Tome #3 - Montalcino - Au-delà du Brunello...
16 Février 2025 | Alexander Mackh, Cofondateur d'Amelie
Montalcino a toujours été plus qu’une simple région viticole pour moi. Les collines ondulantes, la chaleur de ses habitants, les profondes traditions culinaires et la proximité de Sienne rendent ce lieu si incarné. Mais au-delà de son charme, Montalcino se distingue par sa précision – tant dans la vinification que dans son attachement à la tradition.
Lorsque le Brunello di Montalcino obtient son statut de DOC en 1966, seuls quelques producteurs s’y consacrent. Aujourd’hui, plus de 200 domaines perpétuent les mêmes exigences strictes, avec une règle immuable : chaque bouteille doit être issue à 100 % de Sangiovese. Aucun assemblage, aucun raccourci. Par la loi, le Brunello nécessite au moins cinq ans avant d'être commercialisé, dont un minimum de deux en fût ; les Riserva exigent une année supplémentaire. Cette rigueur fait du Brunello un vin à part — et c’est une des raisons pour lesquelles que j'y retourne sans cesse.
Pourtant, certains des vins les plus emblématiques de la région ne portent même pas le nom de Brunello. Gianfranco Soldera, qui a quitté le Consorzio en 2006, en est l’exemple le plus célèbre — ses vins figurent encore aujourd’hui parmi les plus recherchés au monde. Mais Montalcino ne se résume ni à un seul vigneron, ni même à la famille Biondi-Santi, fondatrice du Brunello. L’âme de la région réside plutôt dans la richesse de ses terroirs et dans la diversité des philosophies de ceux qui les cultivent.
Une tapisserie de terroirs
Le paysage de Montalcino est tout sauf homogène. Les vignes s’étendent de 120 à plus de 600 mètres d’altitude, ce qui influence directement la maturité, l’acidité et la structure des vins. Au nord-est, chez des producteurs tels que Cerbaiona ou Il Marroneto, les sols de galestro, marnes et calcaires donnent naissance à des vins d’une grande finesse, marqués par une belle fraîcheur et une expression aromatique élancée. À l’opposé, à l’ouest, les vignes de Soldera (Case Basse), plantées sur des sols argilo-calcaires, offrent des vins structurés, profonds et taillés pour la garde.
Plus au sud-est, Stella di Campalto cultive ses vignes sur le lit d’une ancienne rivière, composé de quartz et de grès. Ce terroir singulier confère à ses vins des textures soyeuses, une profondeur minérale et une complexité toute en élégance. Plus au centre et à l’ouest, là où sont établis Salvioni et Biondi-Santi, les sols mêlent argile, calcaire et galestro, donnant naissance à des Brunello alliant puissance maîtrisée et précision.
Chacune de ces sous-régions rappelle une vérité essentielle : Montalcino se définit autant par son terroir que par la vision de celles et ceux qui façonnent ses vins.
Des Visons contrastées
Une question centrale pour tout vigneron à Montalcino : faut-il assembler les différentes parcelles ou vinifier chaque terroir séparément ? Chez Stella di Campalto, les vignes s’épanouissent entre 150 et 250 mètres d’altitude. La vigneronne fait le choix d’une approche minutieuse, vinifiant et embouteillant chaque parcelle individuellement afin d’en révéler toute la singularité. Des cuvées qui témoignent d’une recherche absolue de pureté dans l’expression parcellaire.
À l’inverse, le domaine Cerbaiona, dont les vignes culminent autour de 400 mètres d’altitude, reste fidèle à la tradition de la région. Ici, point de vinification parcellaire : les raisins issus des différentes parcelles du domaine sont assemblés pour donner naissance à un Brunello d’ensemble, pensé comme une expression harmonieuse de l’ensemble du vignoble. Une approche qui défend l’idée que l’équilibre naît de la globalité plutôt que de la singularité. Deux visions, deux lectures du terroir de Montalcino—et la preuve qu’il n’existe pas de recette unique pour atteindre la grandeur en Brunello.
Une Régions aux multiples facettes
Montalcino n’est pas un bloc uniforme. C’est une mosaïque où tradition et innovation cohabitent, où le terroir façonne l’identité, et où chaque vigneron exprime sa propre vision. Qu’il s’agisse de l’élégance harmonieuse des assemblages de Cerbaiona ou de la précision parcellaire de Stella di Campalto, chaque bouteille raconte une histoire — ancrée dans une terre, portée par des hommes et animée de passion. Et c’est bien cela, au fond, qui rend Montalcino si irrésistible.